3 avril 2014 – Jour 5
Finalement le mauvais temps annoncé pour le jeudi après-midi est arrivé plus tôt que prévu. Grâce à la personne qui a laissé la fenêtre du dortoir ouverte toute la nuit, tout le monde dans la chambre a pu entendre le vent se lever, redoubler de force et devenir presque tempétueux aux premières lueurs de l’aube. Evidemment on a tous fait l’autruche en nous recroquevillant sous nos duvet bien chaud en espérant que cette nuit ne se termine jamais, mais la sonnerie du réveil vient de nous rappeler que le petit-déj est dans 30 minutes. Il va bien falloir sortir de notre refuge, remettre nos habits chauds et partir à l’assaut de ce fameux Plateau du Couloir.
Même par beau temps, l’ambiance au petit-déjeuner dans la cabane de Valsorey n’est jamais à la grosse rigolade. Tout le monde a eu largement le temps la veille de contempler la face gelée et sa corniche verglacée qu’il faut gravir pour espérer atteindre Zermatt. Chacun est donc plus ou moins silencieux, soit parce qu’il se concentre déjà sur la montée, soit parce qu’il est tétanisé par cette face ou la chute est fortement déconseillée.
Comme bien souvent il n’y a qu’une seule trace pour monter au Plateau du Couloir, le matin c’est généralement la course dans la cabane pour ne pas partir trop tard et être ralenti ou bloqué dans la face par les plus lents. Malheureusement comme nous ne sommes pas des éclairs pour nous préparer le matin, lors des dernières expéditions, on a dû à chaque fois forcer la cadence dans la première partie qui se gravi skis aux pieds, afin de refaire notre retard sur les premiers partis. Cette année avec la tempête qui souffle à l’extérieur, j’ai l’impression que tout le monde hésite et personne ne se presse. Peut-être qu’ils se demandent s’il vaut mieux tenter une sortie par le haut ou par le bas au cas où la météo venait à se dégrader sérieusement ? Car pour le moment même si les rafales de vent sont tempétueuses, le plafond nuageux est assez haut. Nous ne sommes pas dans le brouillard et il ne neige pas. Pour nous la question ne se pose pas. On enfile notre veste la plus chaude, on garde nos gros moufles à portée dans le sac à dos et on poursuit notre route en direction de Zermatt.
Nous serons pour une fois les premiers à partir de la cabane de Valsorey au petit matin. Arrivé au pied de la face, à l’endroit où l’on enfile les crampons, on est moins exposé au vent et tout de suite le froid se fait moins mordant. On est donc conforté dans notre choix de poursuivre l’ascension et l’on décide de refaire un point météo au bas de Chanrion pour vérifier si les conditions nous permettent toujours d’atteindre la cabane Nacamuli ou s’il faut écourter la journée et se replier sur la cabane de Chanrion.
La montée se passe sans problème, mais arrivé au Plateau du Couloir, le vent et les rafales nous fouettent à nouveau le visage et font grandement chuter la température ressentie. Pour aujourd’hui les arrêts dépeautage au sommet des cols seront réduit à leur strict minimum. Un dernier regard en arrière pour vérifier où se trouvent nos collègues d’aventure du jour et l’on s’élance en direction du Col du Sonadon puis du Glacier du Mont Durand.
Arrivé au plat de Chanrion, la météo n’a pas changé. Elle ne s’est pas améliorée, le vent est toujours très fort sur les cols et les crêtes, mais elle ne s’est pas non plus dégradée. On peut donc sans risque attaquer la remontée du long Glacier d’Otemma. Pour une fois cette météo nuageuse va même faire notre bonheur. Lors de la Haute Route 2011 on avait énormément souffert de la chaleur qui régnait sur ce glacier interminable et inondé de soleil. Par contre cette fois aucun soucis. Même s’il est toujours aussi long et qu’à chaque pas on a l’impression que la ligne d’horizon s’éloigne de plus en plus, au moins cette année on aura été épargné de la chaleur étouffante. Il me faudra même enfiler mes gros moufles pour la montée final au Col du Petit Mont Collon en raison du retour des rafales de vent et de la chute des températures.
Arrivé au Col de l’Evêque, le vent soulève des nuages de neige et devient insupportable. On range la corde et on dépeaute un peu en catastrophe, pressé de descendre jusqu’au Col Collon puis de trouver la chaleur de la cabane de Nacamuli. Finalement au Col Collon on est surpris et heureux de nous retrouver à l’abri du vent. Les conditions redeviennent donc plus vivables et l’on va pouvoir chercher cette nouvelle cabane plus tranquillement, car c’est pour nous la première fois qu’on fait halte dans ce refuge.
Pas beaucoup de photos pour cette étape vu les mauvaises conditions météo et de lumière.
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